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Collectif Saint-André-Vallée d'Hérault
8 juillet 2014

transition énergétique: nucléaire

Les tours de passe-passe du gouvernement

Le projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français devrait être adopté en conseil des ministres le 31 juillet 2014. Son volet nucléaire se caractérise par des imprécisions ouvrant la voie à toutes les interprétations, une fois rappelé l’objectif de réduction de la part de cette source d’énergie à 50% de la production d’électricité en 2025. Quant à la centrale de Fessenheim, dont la fermeture a été maintes fois annoncée par le chef de l’Etat, son sort demeure mystérieux.

« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup », s'était inquiétée, en octobre 2011, l'ex-candidate aux primaires socialistes Martine Aubry, en commentant le programme présidentiel de François Hollande. La formule de la maire de Lille, citant sa propre grand-mère, prend tout son sens pour qui s’attache à décrypter le volet nucléaire du projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français, dont l’adoption par le conseil des ministres est annoncée pour le 31 juillet 2014.

Un doute sur le propriétaire des clés - Les réactions sur ce texte révèlent ainsi des lectures diamétralement opposées, et par conséquent, les zones d’ombre qu’il recèle. Il y a ceux qui, à l’image du président de la Commission des Affaires économiques (CAE) de l’Assemblée nationale, le député PS de l’Isère François Brottes, assurent que "l'Etat reprend la main" sur la politique nucléaire du pays. Et ceux qui, comme le directeur général de Greenpeace, Jean-François Julliard, estiment au contraire qu’il « donne les clés de la politique énergétique de la France à EDF ».

Le premier accusant ceux qui pensent comme le second d’instruire un « faux procès » contre le gouvernement.

Un chemin obscur - Ce grand écart d’appréciation n’étonne pas le directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières (CGEMP) de l’Université Paris-Dauphine, Patrice Geoffron. Ce projet de loi « laisse la porte ouverte à toutes les interprétations et donc à deux vérités, car il comporte des contradictions flagrantes et ne tranche pas sur des points importants, commente-t-il. Tout ceci ne me semble pas honnête intellectuellement. »

Il s’étonne que « le chemin vers moins de nucléaire ne soit pas clairement tracé ». L’article 2 du projet de loi précise que « la part du nucléaire dans la production d’électricité est de 50% à l’horizon 2025 », selon un engagement sans cesse répété depuis deux ans par le président de la République). « En tant qu’économiste du changement climatique, je ne souhaite pas qu’il y ait moins de nucléaire, précise-t-il. Mais si c’est la position de l’exécutif, il doit en dire plus sur la manière de le faire. »

« Tour de passe-passe » - Le texte le dit certes, dans son article 55 consacré au « pilotage du mix électrique », mais de manière alambiquée, en « limitant la capacité totale de production d’électricité d’origine nucléaire à 63,2 GW », le niveau actuel. L’avocat Mounir Meddeb y voit là un « tour de passe-passe », et il s’interroge sur la validité juridique du dispositif. Car le gouvernement contraint de fait l’exploitant EDF à arrêter définitivement des réacteurs s’il veut en lancer de nouveaux.

Traduction : pour mettre en service l’EPR de Flamanville (Manche), il faudra fermer… par exemple Fessenheim (Haut-Rhin). Un procédé qu’il juge donc contestable. « Quand EDF a développé Flamanville, observe-t-il, cet article n’existait pas. C’est comme si on imposait à un projet industriel une condition de manière rétroactive : ‘‘Pour que tu sois autorisé à exploiter ici, tu dois fermer ailleurs.’’

Mais l’acteur économique, s’il avait connu cet élément, aurait peut-être fait un choix différent, en arbitrant au profit de l’existant. » Le calcul est toutefois risqué. Car, si la méthode « exclut toute mesure d’indemnisation de l’Etat à EDF, le premier n’ayant pas stricto sensu imposé la fermeture, il lui aura juste proposé un troc ; il y a là matière à recours des actionnaires minoritaires (à 32,5%), allemands et suisses, de la centrale », souligne-t-il.

Conforme au droit communautaire ? - Il remarque aussi que ce plafonnement de la capacité nucléaire en France « octroie un monopole absolu à EDF sur la construction et l’exploitation de centrales ». En effet, dans un tel contexte, « GDF Suez ne pourra jamais mettre en place son prototype Atmea. Il en est de même pour tout autre opérateur étranger. Car on voit mal EDF fermer une centrale juste pour le plaisir de voir un concurrent développer son propre projet… » Il s’interroge alors sur la conformité au droit communautaire d’un mécanisme consacrant à l’entreprise « une position dominante de fait ».

A sa manière, Bruno Rebelle, membre de l’ex-comité de pilotage du Débat national sur la transition énergétique (DNTE), ancien de Greenpeace et proche des milieux écologistes, relève lui aussi l’effet collatéral de ce plafonnement de la production – la situation de monopole est entérinée -, en se déclarant « préoccupé que (le P-DG d’EDF) Henri Proglio se dise satisfait de la loi »…

« La grande inconnue » - Dans le camp des ONG, on dénonce les « renoncements » du gouvernement. « Le projet de loi n’est pas clair, déplore la représentante de Réseau Action Climat (RAC) sur la transition énergétique, Anne Bringault. Certes, l’objectif de réduction de la part du nucléaire est acté, mais, concrètement, la question de l’évolution du parc est reportée aux futures programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE). » Celles-ci sont prévues par l’article 49 du projet de loi et elles seront fixées par décret.

« On espère qu’elles seront en phase avec l’objectif de 50% en 2025, mais rien ne le garantit, et c’est donc la grande inconnue. D’autant qu’on n’a pas obtenu de mesure donnant la main à l’Etat pour autoriser la prolongation d’un réacteur au-delà de 40 ans, ce qui lui permettrait de décider d’un arrêt définitif pour des raisons de politique énergétique. »

Chèvre et chou - « Un projet de loi ne peut satisfaire tout le monde », écrit sur son blog l’économiste Philippe Chalmin, qui a coordonné une étude, publiée en juin, de la Fondation Concorde, intitulée Pour une transition énergétique rationnelle basée sur le nucléaire. Mais ce texte « ménage tant la chèvre et le chou (qu’il) ne peut que laisser insatisfaits tous ceux que (le sujet) préoccupe, notamment (les) partisans (dont il est, ndlr) et opposants au nucléaire ».

Patrice Geoffron regrette, lui, une « gestion du temps qui fait que nous sommes, fin juin 2014, en train de parler d’une ‘‘grande loi’’ annoncée en septembre 2012 ». « Je suis frappé, poursuit-il, par cette assez belle continuité de réflexion à ciel ouvert autour du modèle énergétique français depuis le premier Grenelle (en 2007, ndlr), sans rien qui soit conclusif. » Et il dénonce la « procrastination » sur ce sujet : « Au plus haut niveau, on a le sentiment que le temps qui passe est un ami ; moi je pense que renvoyer les questions à plus tard, c’est du temps perdu… »

 

Et alors, Fessenheim ?

Le député UMP du Haut-Rhin Michel Sordi est « content que le mot de Fessenheim n’apparaisse pas dans le projet de loi » de programmation sur un nouveau modèle énergétique français. Mais il n’apprécie pas le « message adressé par l’Etat à EDF : ‘‘Si vous voulez ouvrir Flamanville, vous devez fermer un ou plusieurs réacteurs sur le territoire national’’ » afin de respecter le plafonnement de la capacité de production nucléaire instauré par la loi.

Alors, il est allé, le 24 juin 2014, plaider la cause de la centrale alsacienne auprès de la ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Ségolène Royal. « Je lui ai rappelé que, dans sa région, Poitou-Charentes, elle se bat comme une lionne pour défendre les entreprises et l’emploi, qu’une fermeture de l’installation située dans ma circonscription allait supprimer 2 200 emplois dans une région déjà touchée, qu’elle a ses contraintes et moi, les miennes. Ça s’est bien passé. »

Il vise les débats parlementaires, sans doute à l’automne, pour écarter la menace de fermeture. Pour cela, il dit pouvoir compter sur des soutiens dans le groupe parlementaire PS… et au gouvernement. S’il échoue, il misera sur un changement de majorité en 2017. « Le problème, c’est si elle a été fermée entretemps », s’inquiète-t-il.

« C’est impossible au regard des procédures à respecter », estime l’avocat Mounir Meddeb. D’autant que le projet de loi, dans son article 32, « laisse une grande marge à l’opérateur (EDF) pour planifier la fermeture et le démantèlement ». Une porte de plus ouverte par le gouvernement pour, éventuellement, repousser l’échéance…

http://www.lagazettedescommunes.com/241903/nucleaire-les-tours-de-passe-passe-du-gouvernement/

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